Un sommet de l'OTAN sans éclat
à
l'occasion du 70e anniversaire de sa création
70 ans plus tard, la question allemande reste entière et les divisions s'accentuent
Manifestation à Washington le 30 mars 2019, début d'une
semaine d'actions
Les 3 et 4 avril 2019, les ministres des
Affaires étrangères des pays de l'Organisation du
Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) se sont réunis
à Washington pour célébrer le 70e
anniversaire de la fondation de l'OTAN, le 4 avril 1949. Le
sommet a été organisé par le département
d'État des États-Unis, en
présence du secrétaire d'État américain,
Mike Pompeo. Le président américain, Donald Trump,
n'était pas présent, mais il a rencontré le
secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg,
à la Maison-Blanche le 2 avril.
Le sommet est qualifié de « sans
histoire », en partie parce que les divisions graves qui
existent continuent de s'approfondir et n'ont pas été
résolues bien que l'OTAN soit présentée comme
l'alliance la plus couronnée de succès de l'histoire.
Malgré les divisions, ce sommet a présenté une
unité dirigée en partie contre la Russie et la
Chine, afin de montrer que l'OTAN est toujours en mesure d'agir.
« Aucune alliance militaire au monde ne peut de près ou de
loin faire ce que nous faisons. Aucune alliance ne peut de près
ou de loin rivaliser avec le pouvoir des nations
représentées ici aujourd'hui », a
déclaré Mike Pompeo.
Les remarques de Pompeo visaient également
à rassurer les membres de l'OTAN sur l'engagement
américain envers la défense collective. Il devait le
faire parce que Trump a dit plus d'une fois que les États-Unis
pourraient ne pas respecter l'Artcile 5 qui appelle les pays membres
à défendre l'un des leurs en cas d'attaque. L'OTAN est
renforcée « par notre
engagement de défense collective tel qu'il est
énoncé à l'article 5, auquel nous nous
engageons tous de nouveau aujourd'hui », a-t-il dit. Le
représentant des États-Unis auprès
de l'OTAN l'a également répété :
« Les États-Unis ont toujours affirmé leur soutien
à l'OTAN, notamment au principe de défense collective
énoncé à l'article 5 [...] le
président, le vice-président, les secrétaires
d'État et de la Défense, et d'autres hauts responsables
américains ont tous souligné ce fait. »
Malgré ces déclarations, Trump et Pompeo
se sont quand même fait un devoir de cibler l'Allemagne, en
particulier pour qu'elle augmente ses dépenses pour la guerre.
Ainsi, on peut constater que la « question
allemande », comme on l'a appelée en 1949, n'est
pas réglée.
La question allemande n'est pas
réglée
Quand l'OTAN a été fondée
en 1949, c'était une période de soulèvement
des peuples, qui avaient vaincu le fascisme. Les peuples exigeaient la
dénazification de l'Allemagne, le démantèlement de
son industrie de guerre et la restauration des libertés
démocratiques, et luttaient pour constituer des
démocraties populaires. L'OTAN a été
mise sur pied en partie pour bloquer cette avancée
démocratique et ramener les nazis à des postes de
pouvoir, le rôle principal étant joué par les
États-Unis. Alors que les peuples luttaient pour consolider
leurs victoires sur le fascisme et éliminer toute trace du
nazisme et du pouvoir nazi, les États-Unis agissaient dans le
sens contraire. Cela
comprend la division et l'occupation de l'Allemagne et la
création de l'OTAN. Lord Ismay, premier secrétaire
général de l'OTAN, a déclaré que l'objectif
de l'OTAN était de « garder les Américains à
l'intérieur, les Soviétiques dehors et les Allemands
à terre ».
Aujourd'hui, les États-Unis ont 32 000
soldats et des dizaines de bases en Allemagne. Ils poussent l'Allemagne
à augmenter considérablement le financement de la guerre,
armes et forces comprises. Le Pentagone, par exemple, demande aux
membres de l'OTAN de respecter l'initiative des «
quatre 30 », de 30
bataillons, 30 escadrons aériens. 30 navires de combat
prêts à l'emploi dans un délai de 30 jours.
Dans son discours, Mike Pompeo a fait allusion à
l'Allemagne sans la nommer. « Ce n'est pas le moment de
répéter des excuses éculées selon
lesquelles nos citoyens ne sont pas favorables à une
augmentation des dépenses de défense ou de
sécurité. Chaque pays a le devoir de défendre son
peuple. En tant que dirigeants, il est de notre devoir
de montrer aux citoyens pourquoi ce travail, ces ressources, sont
importants pour faire en sorte que non seulement notre propre pays,
mais également notre alliance, restent forts. »
Le président Trump a été plus
direct dans ses commentaires et a déclaré le 2
avril : « L'Allemagne, honnêtement, ne paie pas sa
juste part. [...] Elle paye près de 1 % et est
censée payer 2 %. Et les États-Unis, au cours
des dernières années, nous avons
payé 4,3 %, ce qui est très injuste... car cela
représente 4,3 % d'un PIB beaucoup plus important.
Nous payons une grande part des dépenses de l'OTAN qui
protège l'Europe. »
Le 3 avril, le vice-président des
États-Unis, Mike Pence, a réitéré cette
demande : « L'Allemagne doit faire plus. »
Parlant du gazoduc Nord Stream qui relie Vyborg
(Fédération de Russie) à Greifswald (Allemagne),
Pence a déclaré : « Nous ne pouvons pas
assurer la défense de l'Occident si nos alliés deviennent
de
plus en plus dépendants de la Russie » et « il
est tout simplement inacceptable que la première économie
européenne continue d'ignorer la menace d'agression russe et
néglige sa propre défense et notre défense
commune ».
Il est clair que les
États-Unis veulent empêcher l'Allemagne de s'allier
à la Russie, tout en lui demandant de faire davantage pour agir
militairement afin de protéger l'Europe. En attendant, Trump a
indiqué à plusieurs reprises que les États-Unis se
réservaient une alliance potentielle avec la Russie. Il
répète qu'il veut des rapports amicaux avec la Russie,
alors lors qu'il menace de retirer les États-Unis de l'OTAN,
cela veut dire que cette alliance possible est un facteur. C'est une
des raisons qu'invoque Trump
lorsqu'il menace de retirer les États-Unis de l'OTAN, ce qu'il
a fait à plusieurs reprises. Également avec
ses 32 000 soldats et ses dizaines de bases sur le sol
allemand, les États-Unis ne semblent pas craindre que
l'Allemagne devienne une puissance militaire plus forte. Cependant, les
autres pays européens sont inquiets. Pour eux, le
problème de « garder les Allemands à
terre » est toujours là. Comme aux États-Unis,
la population, non seulement en Allemagne, mais dans toute l'Europe,
est également opposée à l'intensification de la
militarisation, à l'augmentation du financement de la guerre et
aux guerres d'agression menées par l'OTAN et dirigées par
les
États-Unis.
Non seulement le sommet n'a rien fait pour
résoudre « la question allemande », mais Donald
Trump, Mike Pence et Mike Pompeo ont répété qu'il
était « inacceptable » que l'Allemagne
n'augmente pas ses dépenses de guerre et que les
États-Unis pourraient cesser de protéger l'Europe. Cela
ne fait rien pour dissiper les inquiétudes
européennes concernant la montée militaire de l'Allemagne
et le possible refus des États-Unis de se conformer à
l'article 5 et même son retrait possible de l'OTAN.
Quelle que soit la forme que prendra l'OTAN à
l'avenir, le diktat des États-Unis et les conflits au sein de
l'OTAN, entre les pays de l'OTAN, y compris les États-Unis, et
entre les États-Unis et l'Europe resteront. L'expansion de
l'OTAN depuis la fin de la guerre froide n'a rien fait pour garder
l'Allemagne « à terre » ou résoudre les
conflits. La lutte interimpérialiste pour la domination n'a
fait qu'exacerber les contradictions et accroître le danger de
guerre en Europe, suscitant une inquiétude croissante des
peuples.
Une force pour les guerres de destruction
Au sommet, Mike Pompeo a
présenté l'OTAN comme une force importante pour la paix.
L'OTAN a fourni un « bouclier contre l'agression et a un effet de
dissuasion », a-t-il déclaré, ajoutant que la
création de l'OTAN a porté ses fruits et apporté
« des dizaines d'années de paix et de
prospérité pour l'Occident à une échelle
sans égale
dans l'histoire mondiale ».
Tout le monde est censé oublier la guerre
massive
menée par les États-Unis avec l'OTAN pour détruire
la Yougoslavie et démembrer complètement le pays.
Manifestement, nous devons oublier l'agression de l'OTAN dirigée
par les États-Unis contre l'Afghanistan, la Libye, la Syrie et
l'ingérence en Afrique et maintenant en Amérique latine,
alors
que la Colombie est devenue un « partenaire global » de
l'OTAN et que le Brésil pourrait lui emboîter le pas. La
« dissuasion » a pour
but de décourager les efforts des peuples contre la guerre et
leurs luttes pour leurs droits. Les efforts des peuples après la
Deuxième Guerre mondiale pour sécuriser les
démocraties qui favorisent le peuple sont inachevés.
L'OTAN a
précisément un effet dissuasif sur la réalisation
de ces révolutions démocratiques en Europe, ainsi qu'aux
États-Unis et au Canada.
Pompeo évoque le spectre du communisme
Pompeo a profité du sommet de l'OTAN pour
ressusciter la rhétorique de la guerre froide sur la menace du
communisme. Il a utilisé l'Allemagne pour le faire :
« Mais nous célébrons cette année
également un deuxième anniversaire d'importance pour
l'Occident : celui de l'effondrement du rideau de fer. [...] Cet
anniversaire est
intimement lié à l'OTAN. Pendant 40 ans, l'Alliance
de l'OTAN a constitué un rempart contre l'expansion communiste
en Europe. Nous étions prêts à invoquer
l'article 5 à tout moment si les Soviétiques
traversaient la trouée de Fulda, comme nous l'avons fait
après le 11 septembre. Notre supériorité
militaire les a dissuadés de
mettre en oeuvre leurs projets de domination de l'Europe et,
entre-temps, la course aux armements du président Reagan a
conduit l'empire du mal à la faillite. »
La guerre froide est terminée depuis longtemps. Les «
fruits de la paix » promis, proclamés par Pompeo, ne
se sont jamais matérialisés. La destruction de la
Yougoslavie, les guerres de l'OTAN en cours menées par les
États-Unis, les énormes budgets du Pentagone et les
exigences d'augmentation du financement militaire de l'OTAN
révèlent la vérité. Quel est alors le but
de ramener le spectre du communisme aujourd'hui ? C'est de
s'attaquer aux luttes des peuples pour leurs droits, pour des
sociétés qui défendent leurs intérêts
et leur volonté de mettre fin à la guerre et pour des
relations de respect et d'avantages mutuels entre les peuples, comme ce
fut le cas il y
a 70 ans lorsque l'OTAN a été créée.
C'est dire encore une fois qu'il n'y a pas d'alternative à
l'impérialisme, à la domination américaine, aux
blocs militaires et politiques contre les peuples tels que l'OTAN.
C'est prétendre que l'histoire ne peut aller plus loin. Les
peuples doivent accepter de se soumettre aux États-Unis et
à leur démocratie
dysfonctionnelle et archaïque. Mais les peuples disent Non !,
comme le montrent les actions contre l'OTAN à
Washington et ailleurs dans le monde au moment du Sommet et de cet
anniversaire de l'OTAN. Les peuples se battent pour des
démocraties modernes qui les investissent du pouvoir et barrent
la voie aux fauteurs de guerre.
Pompeo a également
appelé l'OTAN à étendre sa portée. «
Nous devons adapter notre alliance pour faire face également aux
menaces émergentes, a-t-il dit, qu'il s'agisse de l'agression
russe, des migrations incontrôlées, des cyberattaques,
des menaces à la sécurité
énergétique, de la concurrence stratégique
chinoise — en particulier en matière
de technologie 5G — et de nombreux autres problèmes qui
mettent en péril les idéaux de nos peuples et notre
sécurité collective. »
Faire des « migrations
incontrôlées » une menace alors que Trump
menace de fermer la frontière avec le Mexique et a placé
des milliers de soldats à la frontière et alors que la
crise
provoquée par les guerres menées par les
États-Unis en Asie occidentale fait ses ravages dans le monde
entier est un affront délibéré. Il mentionne la
Chine et la
technologie 5G à un moment où le Canada et les
États-Unis criminalisent déjà la
société chinoise Huawei en prétendant que son
réseau 5G constitue une menace pour la
sécurité nationale. De même, les États-Unis
reprochent à la Turquie, qui est membre de l'OTAN, d'avoir
acheté un système de défense antimissile russe.
« La Turquie
doit choisir, a prévenu le vice-président Mike Pence.
Veut-elle rester un partenaire essentiel de l'alliance militaire la
plus réussie de l'histoire ou veut-elle risquer la
sécurité de ce partenariat en prenant des
décisions aussi téméraires qui minent notre
alliance ? » Les États-Unis n'exigent pas
seulement que les pays de l'OTAN
augmentent leur financement, ils réclament aussi la
normalisation des armes et des équipements produits par
l'industrie de guerre américaine. La rivalité n'est pas
seulement avec la Chine et la Russie, elle est aussi avec l'Union
européenne.
Les États-Unis sont convaincus que la
représentation de l'OTAN centrée sur eux-mêmes
l'emportera. « Notre structure est conçue pour
responsabiliser chaque allié et non pour le subjuguer, a
déclaré Pompeo. Nous conservons un remarquable
degré d'unité. » La réalité est
que, tout comme l'OTAN a été créée comme
instrument des
États-Unis pour contrôler l'Europe de manière
à dominer l'Asie, elle pourrait tout aussi bien
disparaître alors que d'autres s'efforcent de contrôler
l'Europe et de dominer l'Asie, y compris les Asiatiques
eux-mêmes. Qui plus est, les peuples du monde continuent de
hisser le drapeau de la paix, de la liberté et de la
démocratie d'une manière qui
correspond aux conditions actuelles, ce qui défie les tentatives
des puissances impérialistes, les États-Unis en
tête, de contrôler la situation. Le sommet anniversaire
sans éclat de l'OTAN n'a résolu aucun des conflits au
sein de l'OTAN et, en particulier, pour « garder les
Américains à l'intérieur, les Russes à
l'extérieur et les Allemands à
terre ».
La cause de la paix et de la sécurité est
mieux servie en quittant l'OTAN et en démantelant l'OTAN. C'est
ce que révèlent les 70 ans de l'OTAN.
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 13 - 6 avril 2019
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Un sommet de l'OTAN sans éclat
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l'occasion du 70e anniversaire de sa création: 70 ans plus tard, la question allemande reste entière et les divisions s'accentuent
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